Le Festival Black History Arts…et de quatre !

Article : Le Festival Black History Arts…et de quatre !
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02/02/2024

Le Festival Black History Arts…et de quatre !

Photographie du programme de la 4e édition du festival Black History Arts. Crédit : Afropost

Dans le cadre du Festival Black History Arts qui se tient du 01 au 29 février 2024, Afropost a répondu à l’invitation privée des initiateurs, au Musée National des Arts, Rites et Traditions du Gabon, à Libreville. Au programme : conférence de lancement et vernissage en l’honneur du Roi du Tandima.
Cette journée qui donne le ton d’une 4e édition particulièrement intéressante et étoffée (programmation artistique & événementielle alléchante), a été rehaussée par la présence de plusieurs artistes gabonais de renom.

Kakémono présentant les sponsors de la 4e édition du festival Black History Arts. Crédit : Afropost

Des origines de la Black History Arts…

1926, États-Unis d’Amérique. Un historien, Carter Woodson et un pasteur, Jesse Moorland créent une association consacrée à la recherche et la promotion de l’Histoire afro-américaine. De cette association nait la Negro History Week, une semaine dédiée à l’apport significatif afro-américain au système éducatif du pays, de la petite école à la grande université.


Au contraire de l’accueil tiède qui avait été réservé à la première édition, l’année 1929 marque un tournant décisif pour cet événement qui revêt désormais une portée transversale (religieuse, sociale, culturelle, historique, officielle…), jusqu’à son officialisation en 1976 sous l’appellation du Black History Month. Toutefois, c’est depuis l’année 1970 que la Negro History Week s’est déjà étendue à tout le mois de février. Depuis lors, la célébration annuelle de l’héritage noir a essaimé en Occident (Royaume-Uni, France, Canada, Irlande) et bien plus récemment en Afrique (Burkina Faso, Togo, Bénin, Côte d’Ivoire, Cameroun…). Pour dire, la première édition du Black History Month ne s’est tenue en Afrique qu’en 2020.

…Au Tandima Black History Arts

Photographie de la salle de conférence avec en fond, Vyckos Ekondo, le Roi du Tandima. Crédit : Afropost

Lorsque l’attaché de presse du festival m’a adressé le courrier contenant le dossier de presse en même temps que mon invitation pour assister au lancement de cette quatrième édition, j’ai tout de suite été intrigué par le fait que depuis sa première édition en 2021, le festival n’a eu que des marraines : l’auteure-compositrice interprète Annie-Flore Batchiellilys pour la première édition, l’écrivaine Justine Mintsa pour la seconde, l’artiste Aziz Inanga pour la troisième et maintenant, la créatrice de mode Angèle Epouta pour la quatrième édition.
Je souligne que ma surprise n’est pas négative, c’est même tout le contraire. Seulement, il est très rare que de voir au Gabon, des femmes se succéder littéralement au marrainage d’événements de l’envergure du Festival Black History Arts, qui, selon les mots de l’initiateur, est le plus long du Gabon. Pour ma part, j’aime.

L’initiateur, Slam Master No, a expliqué au cours de la conférence d’ouverture que pour la quatrième édition, le choix du parrainage avait été porté sur un homme qui, malheureusement est décédé au mois d’août 2023.
Un homme qui a été et reste une des plus grandes voix de la musique gabonaise, un ambassadeur et fédérateur unique de la culture gabonaise. Un génie qui a été récompensé d’une flopée de distinctions aussi bien nationales qu’internationales pour son impact et sa contribution inestimable au patrimoine culturel gabonais. Un esprit inspiré de Nzambé Kana lui-même. L’homme-panthère, le Roi du Tandima, Vyckos Ekondo.
C’est donc sous le signe du Tandima que se déroulera le festival cette année, comme pour à la fois apporter sa touche, bien que n’étant plus de ce monde, et lui rendre un hommage plus que mérité.

À la question de savoir ce qu’est le Tandima, No, répond que le Tandima est « une expression culturelle contenant des signes, des symboles, des chorégraphies, des onomatopées de la plupart des ethnies du Gabon. Si on pose la question aujourd’hui : quelle est l’identité culturelle de la musique et de l’art de notre pays, la réponse elle est là : c’est le Tandima ».

L’initiateur du Festival Black History Arts, Slam Master No, prenant la parole lors de la conférence d’ouverture. Crédit : Afropost

Sans le vouloir et le savoir, cette intervention a incidemment répondu à une interrogation que j’avais formulé dans mon tout premier billet de blog sur l’identité de la culture gabonaise dans un contexte africain et mondial. Si je ne suis pleinement pas satisfait de cet élément de réponse que je trouve un peu réducteur, je peux en revanche saluer la démarche artistique profondément élaborée de Vyckos Ekondo qui a su valoriser à sa manière le riche patrimoine culturel gabonais. J’applaudis en effet le choix du Tandima comme thème pour cette année, tout en félicitant l’école du Tandima (j’ai découvert son existence à l’ouverture du festival), dont les membres se revendiquent être héritiers de Vyckos Ekondo.

Puisque nous parlons d’héritage, la princesse du Tandima, Laurianne Ekondo, dans son allocution de circonstance a verbalisé son désir de voir se pérenniser le Tandima par une jeunesse engagée dans la préservation de la culture. Puis avec sa fille, elles ont offert une prestation magistrale dans la salle d’exposition du musée, emplissant l’atmosphère de quelque chose d’indéfinissable, proche du mystique. Le point d’orgue de ce moment chargé de solennité a été atteint avec le dévoilement de la mythique tenue de scène du Roi du Tandima. Non, le Tandima n’est assurément pas mort…

L’iconique tenue de scène de Vyckos Ekondo, exposée au Musée National de Libreville. Crédit : Afropost


Angèle Assélé, Nadège Mbadou, Franck Baponga et Lestat XXL, entre autres, figurent au rang des célébrités présentes.

Au fait ! J’ai oublié de vous dire ! Baponga et Lestat étaient mal frais, kinda dans des croisés légendaires et des reebees 😎, on ne dirait même pas les caciques avec qui on a grandi, qui passaient au TV dans les djinkals et les tachekos (oui, je me suis autorisé cette digression !).🤣🤣🤣

La séance de lancement du festival s’est achevée en apothéose avec le succulent cocktail donné par les organisateurs, dans les jardins du musée.

Sir Okoss, Slam Master No, Aude Sharys, Hubert Freddy Ndong Mbeng, Sylvere Boussamba, Nadège Mbadou, Laurianne Ekondo, Bénédicte Kessany sont, entre autres, autant d’intervenants qui prendront part aux différentes activités du festival.

Une vue des invités, dans les jardins du Musée National des Arts, Rites et Traditions du Gabon. Crédit : Afropost

Pertinence du Festival Black History Arts

Tel que nous avons pu le voir plus haut, le Black History Month est célébré tout le mois de février et le Festival Black History Arts est une de ses déclinaisons puisqu’il s’inscrit dans sa mouvance en visant aussi la valorisation et à la promotion de l’art et de la culture noire.

Cependant, le mouvement du Black History Month qui a d’abord été le Negro History Week est né dans un cadre spatio-temporel spécifique, pour répondre à une question spécifique, celle de la conservation et la survie physique et intellectuelle des Noirs dans la société, d’après Carter Woodson, le co-fondateur.

Historiquement, la communauté afro-américaine a toujours (à tort ou a raison), éprouvé le besoin de promouvoir ses élites, ses savoir-faire, ses compétences, ses dons, ses talents, ses capacités, ses accomplissements et ses réalisations aux yeux de la communauté euro-américaine. L’on ne peut dénier les nombreux bénéfices apportés par cette stratégie. Néanmoins, elle a également enfanté de plusieurs curiosités philosophico-intellectuelles (de mon point de vue) comme l’afrocentrisme, entre autres, mais là n’est pas le sujet.

Pour revenir au sujet, je me suis interrogé sur la pertinence d’un festival noir au Gabon, parce que, constatons que le monde fonctionne surtout par antagonismes, par contrastes : les riches contre les pauvres, les hommes contre les femmes, le nord contre le sud et les Blancs contre les Noirs. Quel serait donc l’intérêt pour un pays africain d’organiser un festival noir ? Quelle résonance rencontrerait un festival noir dans un pays noir à 99% ?

Cette question pointe une réalité aussi grotesque que subtile en fait : nous continuons d’être colonisés et continuons la lutte contre une forme de colonisation immatérielle, psychologique. La différence avec un pays comme les États-Unis c’est que la communauté afro-américaine se retrouve à partager physiquement un territoire avec des non Noirs. C’est aussi le cas des pays africains mais plus d’un point de vue psychologique, économique, mental et surtout…culturel. En réalité le colon n’est jamais parti car, telle une ombre, il hante notre histoire, nos territoires, notre culture et nos coutumes de sorte qu’on doive toujours prôner la réappropriation culturelle et la valorisation de nos langues maternelles…

C’est sur cette pensée identitaire que s’achève ce billet sur le Festival Black History Arts. Mais avant de vous dire au revoir, je ne peux ne pas vous recommander chaudement de faire un saut au Musée national pour apprécier de vous-mêmes l’exposition en hommage au géant de la culture gabonaise qu’est Vyckos Ekondo. L’exposition dure tout le mois et c’est gratuit ! Jetez également un coup d’œil au programme qui est vraiment riche et diversifié et pensez à déjà réserver vos places pour le grand concert de clôture du festival qui aura lieu le 24 février dès 16h, à l’Institut Français du Gabon. Pour ma part, j’ai déjà activé mes rappels sur mon agenda. À la prochaine et merci de m’avoir lu !

Photographie du Musée National des Arts, Rites et Traditions du Gabon. Crédit : Afropost
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